Des paniques bancaires sont-elles toujours à craindre ?

le  29 novembre 2022
Un bank run durant la crise de 1929. UPI / AFP
Le prix de la Banque centrale de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel a été décerné le mois dernier aux économistes américains Peter Diamond et Philip Dybvig, aux côtés de Ben Bernanke, ancien président de la Réserve fédérale (Fed) des États-Unis (2006–2014). Le choix des lauréats a remis dans l’actualité un phénomène qui pourrait paraître daté, celui des ruées bancaires (« bank run »), des moments de panique qui nous conduisent à nous précipiter pour retirer l’argent déposé sur nos comptes.

Mi-novembre, un tel mouvement s’est notamment produit dans le domaine des cryptomonnaies, lorsque plusieurs plates-formes ont été contraintes de bloquer les prêts et le retrait de leurs clients paniqués face à la plongée des cours après la faillite du géant américain FTX.

Certes, ces épisodes sont devenus plus sporadiques aujourd’hui, du moins dans les pays développés. Un argument suffisant pour dire qu’il n’y a plus rien à craindre ? La grande leçon des travaux des néo-nobélisés est bien la suivante : la raison d’être des banques implique nécessairement l’existence de ce risque.

Des dispositifs ont été imaginés pour s’en prémunir. Cependant, leur rôle reste difficile à évaluer du fait de la faible occurrence de ces événements. C’est ce à quoi s’est intéressée notre expérience menée en laboratoire. Elle montre notamment l’importance cruciale de l’assurance des dépôts, à condition que tout le monde soit bien couvert.

Leur raison d’être, leur fragilité

Qu’est-ce qu’une ruée bancaire ? Dans ces phénomènes, les déposants se précipitent au guichet pour retirer leurs avoirs. Ils peuvent être qualifiés « d’auto-réalisateurs » pour deux raisons, non opposées, mais distinctes. Les déposants entrent dans un double raisonnement : « je pense que les autres vont paniquer donc je panique » et tous se ruent au guichet de leur banque ; « je pense que si les autres paniquent la banque fera faillite, je panique et donc la banque fait faillite ».

Ils provoquent ainsi la défaillance de leur banque qui n’a pas assez de ressources disponibles immédiatement pour répondre à leurs demandes simultanées. Non pas qu’elle se soit rendue coupable d’une mauvaise gestion ou qu’elle ait réalisé des pertes. C’est simplement que l’argent des déposants a été prêté et n’est donc pas immédiatement disponible. On parle d’un problème d’« illiquidité ».

Concilier les attentes des déposants, qui demandent leur argent à court terme pour consommer, et celles des emprunteurs qui investissent pour des échéances plus lointaines, telle est économiquement la raison d’être des banques dans le modèle de Diamond et Dybvig développé en 1983. Telle est donc aussi la source d’une fragilité intrinsèque.

Mais alors, est-ce probable ?

Tout se passe bien tant que les déposants retirent leur argent normalement, au gré de leurs besoins d’achats. Dans ce cas, la ressource de dépôts demeure stable et prévisible pour les banques. En revanche, s’ils se précipitent en même temps, « seuls les premiers arrivés seront les premiers servis » et les autres perdront tout. On comprend la dangerosité du phénomène...

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Philippe Madiès, Professeur des universités en Banque et Finance, Grenoble IAE Graduate School of Management

Publié le  29 novembre 2022
Mis à jour le  29 novembre 2022