Par ailleurs, de nombreux citoyens ont continué de se rendre au parc ou se retrouver pour boire un café malgré les préconisations de distanciation sociale faites la veille, le samedi 14 mars, au plus haut niveau de l’État. Dangereux ?
Que nous disent ces comportements étonnants ? Comment peut-on les comprendre, les décrypter ?
Ces comportements montrent tout d’abord à quel point les responsables de gouvernement et de santé publique peinent à convaincre les citoyens de la gravité de la situation et de la pertinence des mesures restrictives prises. Les responsables de santé publique comme les gouvernants hésitent en effet sur la bonne méthode. Doivent-ils « faire peur » aux populations ? Et si oui jusqu’à quel point ?
Ces décisions sont complexes. Pourtant, dans les réactions observées, on retrouve des phénomènes connus.
D’une peur à l’autre
Le stade 3 de l’épidémie du Covid19 est désormais atteint. La menace est donc réelle et sérieuse. Un appel à la peur semble donc pertinent.
L’appel à la peur est très utilisé dans les campagnes de prévention. Il s’agit d’un mécanisme complexe bien connu des scientifiques. Il peut être abordé sous l’angle de la menace proférée pour faire peur. Il s’agit alors du contenu même de l’appel à la peur. Dans le cas du Covid-19, ce sont les risques de complications et de mort. Il peut aussi être vu sous l’angle de la peur engendrée chez les récepteurs ciblés. Il s’agit alors de l’émotion subjective et personnelle ressentie.
Or, à ce niveau déjà, se pose un problème de taille. Comment être sûr qu’un appel à la peur fera effectivement peur, mais en même temps qu’il ne fera pas trop peur ?
Nous constatons actuellement des réactions qui laissent penser que les appels à la peur réalisés ont, sur certains, déclenché une peur extrême. Les médias et réseaux sociaux alimentent en continu cette peur par des émissions et informations très anxiogènes. Trop anxiogènes selon 86,7 % des Français interrogés lors d’un sondage réalisé par Le Point le 3 mars. Le glissement est alors « De la peur de l’épidémie de coronavirus à “l’épidémie de la peur” ».
Ainsi, des médecins s’inquiètent de « la panique mondiale sanitaire et surtout économique » déclenchée par le coronavirus, sa gestion et sa médiatisation. Ils dénoncent notamment des vols de masques et gel hydroalcoolique dans les hôpitaux, au détriment des personnes fragiles.

Ils condamnent aussi la ruée sur les commerces alimentaires pour faire des stocks excessifs de nourriture alors qu’aucune rupture d’approvisionnement n’est prévue. Ils se scandalisent enfin des affrontements physiques pour des rouleaux de papier WC dans certains pays.
Mais, dans le même temps, des comportements situés à l’autre extrême de l’apparent continuum de la peur (comme les exemples donnés ci-dessus) sont aussi relevés : insouciance, inconscience, défi des consignes et humour bravache à l’appui. Comment peut-on expliquer de telles réactions dans un contexte pourtant grave ?